Lorsque Emmanuel Macron avait pris la parole au lendemain de la validation du conseil constitutionnel de sa réforme des retraites, le grand non-dit de son discours fut consacré à sa première ministre Elisabeth Borne. Message non-dit et crypté mais tellement clair sur la nouvelle séquence qui attend la gouvernance Macron et sur l’avenir de la locataire de Matignon.
Déjà le fait de fixer une période de cent jours, donnant la vague illusion que son second mandat débute réellement au lendemain de cette crise des retraites, est en soi un avertissement dans le temps sur la durée de vie d’Elisabeth Borne à son poste de première ministre.
En plus, le fait de coupler cette période avec des objectifs précis, tous faisant partie du cahier des charges de la première ministre, met une forte pression sur les épaules d’Elisabeth Borne et lui impose une obligation de résultats qui va se payer cash.
Emmanuel Macron avait confié à sa première ministre trois objectifs essentiels dont la réalisation pourrait sortir le pays de cette impasse dans laquelle la logique d’une réforme imposée l’a enfermé.
Le premier étant de faire adopter, dans un contexte de grande inflation et de baisse notoire du pouvoir d’achat, des mesures à vocation économique et sociale qui pourraient susciter l’adhésion et l’empathie de Francais. Après le choc de la réforme de structure, il faut alterner avec des réformes de consensus et de compromis. L’idée étant de chasser des esprits dés accusation d’une gouvernance de clivages et de ruptures aigües.
Le deuxième défi est de tenter de briser cette unanimité syndicale inédite qui joue le rôle de carburant de toutes ces grandes manifestations dans la rue. Il est clair que le bloc syndical uni qui s’est opposé à la réforme de retraite a joué une rôle primordial dans l’expression de cette colère généralisée qui refuse cette réforme et oblige le gouvernement à la passer en force. Casser en douce ce front syndical nécessite une politique qui vise à séduire et à attirer dans ses filets les syndicats dits réformistes et à isoler les plus radicaux et leur faire perdre leur crédibilité et leurs capacités de mobilisation. Pour atteindre cet objectif, Elisabeth Borne doit montrer toute la palette de son intelligence de gouvernement.
Le troisième défi confié à la première ministre est celui de tenter d’élargir la majorité parlementaire qui la soutient. En l’absence d’une majorité absolue à l’assemblée nationale, Elisabeth Borne a gouverné, depuis sa nomination à Matignon, à coup de 49.3, ce fameux article constitutionnel qui lui fait l’économie d’un débat et d’un vote parlementaire. Cet article offre un confort, une forme de facilité mais ne peut s’ériger en mode de gouvernement. Emmanuel Macron sait que l’abus de ce 49.3 finira par être perçu comme un exercice qui tue le souffle et la dynamique démocratique qui consiste à permettre aux représentants de la nation de discuter, de choisir et de trancher.
Depuis le début de cette crise, Emmanuel Macron avait fait le pari qu’il sera fatalement rejoint dans cette aventure par les parlementaires du Parti des républicains. Or, ce parti encore sous le choc de multiples défaites et d’une guerre sans merci des égos, pris dans un tourbillon de contradictions, n’était pas au rendez vous, obligeant le gouvernement à passer en force.
Elisabeth Borne a cent jour pour réaliser ces trois objectifs. Sauf si on lui fabrique une baguette magique politique, il est difficilement imaginable qu’elle puisse réussir dans cette mission. Ce qui donne à certains la certitude que ses jours sont comptés à Matignon et que le président Macron n’aura d’autres choix que de recourir à un autre casting gouvernemental.
Emmanuel Macron aurait dû logiquement se séparer d’Elisabeth Borne au lendemain de la motion de censure qui a été à un cheveu de lui retirer la confiance, mais le faire sous la pression de ces événements signerait le fait que les oppositions syndicales et politiques ont réussi à l’obliger à poser un genoux à terre et à concéder une défaite.
En lui fixant une période de cent jours et un catalogue de défis à relever, Emmanuel Macron veut donner cette illusion qu’il est toujours maître des horloges et des calendriers. Il lui reste aussi dans sa besace la fameuse carte de dissuasion politique qui consiste à menacer de dissoudre le parlement et de convoquer des élections législatives anticipées dans l’espoir, incertain, de reconquérir une majorité absolue qui lui permet de gouverner de manière verticale et confortable.
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