La France est bel et bien en train de rejoindre le camp des démocraties «illibérales», a déclaré le politologue français Jean-François Bayart. Dans une tribune publiée dans un magazine suisse, le politologue décortique la dérive autoritaire de la France et compare Emmanuel Macron à un enfant « narcissique », « arrogant » et « incompétent » sur le plan diplomatique.

Les démocraties occidentales commencent à parler de l’éloignement de la notion de démocratie dans l’Hexagone. S’il est difficile de mettre des mots sur cette situation inédite dans le pays chez la presse française, le politologue français Jean-François Bayart, professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) en Suisse, a publié une tribune dans le magazine suisse Le Temps pour avoir la parole libre.

En Suisse, des questions commencent à se poser au sujet des dérives autoritaires en France. « Où va la France? se demande la Suisse », déclare à juste titre Jean-François Bayart.

Emmanuel Macron « est le dernier avatar en date de ce que l’historien Pierre Serna nomme le «poison français» « , indique-t-il en expliquant que cela se réfère à « la propension au réformisme étatique et anti-démocratique par la voie de l’exercice caméral et centralisé du pouvoir, en d’autres termes », un régime autoritaire qui ne dit pas son nom mais qui n’échappe pas au politologue français.

Il signale que le conflit des retraites a été le symptôme de l’épuisement de ce gouvernement français qui se réclame de l’extrême centre. Le spécialiste en sociologie historique comparée de l’État dénonce l’ »infantilisme » du peuple français par les gouvernements successifs mais surtout celui dirigé par Emmanuel Macron.

Bayart explique que l’un des déterminants de cette crise politique en France a été la manière « autoritaire et souvent grotesque » avec laquelle la pandémie de Covid-19 a été gérée. Elle a « servi de crash test auquel n’ont pas résisté les services publics dont s’enorgueillissait le pays ».

« Emmanuel Macron, tout à son style «jupitérien», aggrave l’aporie dans laquelle est tombée la France. Il n’a jamais rien eu de «nouveau», et sa posture d’homme «providentiel» est une figure éculée du répertoire bonapartiste », tranche le politologue.

Il va plus loin en dressant un portait de l’attitude du président français et sa gouvernance. « Son exercice du pouvoir est celui d’un enfant immature, narcissique, arrogant, sourd à autrui, plutôt incompétent, notamment sur le plan diplomatique, dont les caprices ont force de loi au mépris de la Loi ou des réalités internationales », critique-t-il.

Le spécialiste des régimes autoritaires a énuméré tous les dispositifs créés par la France sous Emmanuel Macron pour régner en maitre suprême et éliminer toute opposition ou toute concurrence en lançant des campagnes de dénigrement massif.

Il cite, l’ «usage de dispositifs sonores portatifs» pour éviter les casserolades des opposants, le bouclage policier des lieux où se rend le chef de l’Etat, le lancement de campagnes de rectification idéologique contre le «wokisme», la «théorie du genre», l’ «islamo-gauchisme», l’ «écoterrorisme» ou l’«ultra-gauche» qui « sont autant de petits indices, parmi beaucoup d’autres, qui ne trompent pas ».

« Lui qui voulait apaiser la France provoqua le plus grave mouvement social depuis Mai 68, celui des Gilets jaunes dont le spectre continue de hanter la Macronie », cite le professeur, ajoutant qu’il y a eu un deuxième mouvement social massif sous sa présidence, celui lié au retraites. Face à ce dernier, le président Macron « s’est enfermé dans le déni et le sarcasme ».

Et comme pour les Gilets jaunes, Emmanuel Macron répond à la colère populaire par la violence policière, en soulignant l’usage d’un armement de catégorie militaire qui cause des blessures irréversibles telles que des éborgnages ou des mutilations ont entraîné la condamnation de la France par les organisations de défense des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe, la Cour européenne de justice, les Nations unies.

Un pas décisif, a été franchi, fait-il savoir, lorsque le gouvernement s’en est pris à la Ligue des droits de l’homme. « La Macronie s’est de son propre chef placée en dehors de l’ «arc républicain» », indique-t-il rappelant que cette association, née de l’affaire Dreyfus, est indissociable de l’idée républicaine et seul le régime de Pétain avait osé l’attaquer.

« Sur la planète, ce sont bien les Poutine et les Orban, les Erdogan et les Modi, les Kaïs Saïed ou les Xi Jinping qui tiennent de tels propos. Oui, la France bascule », affirme le politologue français.

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